Si les acteurs de la santé soulignent la pénurie de sages-femmes dans les maternités et les hôpitaux Français, le nombre de sages-femmes libérales, lui, connait une augmentation significative. La tendance va-t-elle perdurer et quelles en seront les conséquences ?
Va-t-on vers une suprématie du statut libéral pour la profession de sage-femme ?
La profession de sage-femme, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est de création récente bien qu’on la qualifie fréquemment de « plus vieux métier du monde ». En 2023 encore, les sage-femmes ont connu de profondes évolutions tant dans leur formation que dans les compétences, qui leur sont reconnues. Toujours est-il qu’une nouvelle tendance se dessine dans la composition et l’organisation même de la profession. Depuis plusieurs années, on enregistre une augmentation de la proportion de sages-femmes libérales par rapport à leurs consœurs hospitalières. Les nouvelles diplômées – 97 % des sages-femmes sont des femmes – sont de plus en plus nombreuses à envisager une carrière sous le statut de libéral. Traditionnellement, une grande majorité des étudiantes et des étudiants en maïeutique privilégiaient de rejoindre les maternités et l’hôpital public.
En 2022, la France comptait ainsi 23764 sages-femmes en exercice. 57 % de ces sages-femmes sont salariées alors que 38 % exercent en tant que sage-femme libérale ou exerce une activité mixte. Si les sages-femmes hospitalières sont encore majoritaires, la répartition a tendance à se modifier. Les dernières prévisions font état d’une augmentation de 70 % du nombre de sages-femmes libérales à l’horizon 2050 quand la hausse du nombre de maïeuticiennes hospitalières ne dépasse pas les 1 %. Devenir sage-femme libérale va donc bien devenir la nouvelle norme concernant la profession.
Quelles conséquences peut engendre cette augmentation significative du nombre de sages-femmes ?
Cette propension à privilégier le statut libéral pose déjà problème aux maternités françaises, dont le nombre s’est considérablement réduit depuis plusieurs années. En effet, depuis plusieurs années, les autorités publiques soulignent les efforts importants à accomplir pour recruter davantage de sages-femmes afin de garantir la qualité des soins dispensés aux femmes. Non seulement, le métier de sage-femme hospitalière ne suscite plus de vocation suffisante, mais on enregistre de plus en plus de sages-femmes hospitalières souhaitant se réorienter et devenir sage-femme libérale. Pour le ministère de la santé, il est urgent d’apporter des solutions concrètes pour pallier ce phénomène. En effet, le besoin de sages-femmes hospitalières se fait d’autant plus sentir de manière pressante, que la situation est déjà présentée comme catastrophique voire comme potentiellement dangereuse pour la santé des femmes.
D’importants efforts ont donc déjà été faits pour rendre le métier plus attractif, que ce soit en termes d’organisation et de conditions de travail qu’en termes de rémunération. En 2022, le salaire moyen d’une sage-femme hospitalière en début de carrière était calculé à 1.800 €. Les revenus moyens, pour la même période, d’une sage-femme libérale étaient, quant à eux, estimés à 2.300 € mensuels.
Si on ne peut contester la réalité de ces efforts, les organisations représentatives de la profession s’inquiètent en soulignant que ces efforts se révèlent insuffisants. C’est un élément à prendre en compte dans les politiques de réforme de notre système de santé. En effet, voir le nombre de sages-femmes hospitalières diminuer ou au mieux stagner, tout en constatant l’explosion du nombre de sages-femmes libérales, impliquera nécessairement de s’interroger sur l’organisation de la périnatalité en France.
Et vous, pensez-vous que la courbe va s’inverser ou tout du moins s’atténuer ? Ou pensez-vous que la France va connaitre de grandes difficultés à recruter les sages-femmes hospitalières dont le pays a besoin ?