Les sages-femmes, un rôle essentiel en matière d’avortement

Alors que le sujet de l’avortement suscite bien des débats, les professionnels de santé en général et les sages-femmes en particulier demandent que soit appliquée la loi avant de penser à sanctuariser le droit à l’IVG par une inscription dans la constitution.

L’avortement, un droit remis en cause ou un droit à renforcer ?

La question divise autant dans le rang des professionnels de santé et de la périnatalité, qu’elle ne cristallise les débats au sein même de l’opinion publique. Depuis la loi Veil en 1975, le droit à l’avortement est garanti à chaque femme. Si bien d’autres pays ont également reconnu ce droit à l’avortement et plus généralement le droit pour toutes les femmes de pouvoir accéder à la contraception, certaines évolutions, à travers le monde, soulignent qu’une remise en cause de ces acquis reste toujours possible (C’est des États-Unis, que la menace la plus criante s’est faite jour avec la remise en cause, en juin dernier, de ce droit à l’avortement par la Cour suprême des États Unis).

Même si aucune force politique de l’Hexagone n’a fait connaitre son intention d’une telle remise en cause, certains groupes politiques se sont empressés de proposer que ce droit à l’avortement soit inscrit dans la constitution afin que nul ne puisse, à l’avenir, le remettre en cause. Dans une tribune co-signée par Albane Gaillot, Isabelle Derrendinger (présidente du Conseil national de l’ordre des sages-femmes), Claire Wolker, coprésidente de l’Association nationale des sages-femmes orthogénistes et Roxanne Landais-Hauser, présidente de l’Association nationale des étudiants sages-femmes, toute la profession s’inquiétait de ces menaces tout en regrettant :

« En matière d’avortement, le rôle essentiel des sages-femmes peine à être connu et reconnu »

Les sages-femmes, les garantes des droits des femmes

Plutôt que de constitutionnaliser ce droit à l’interruption volontaire de grossesse, les rédactrices du texte, publié le 28 septembre dernier dans les colonnes du Monde, demandaient des moyens pour permettre à tous les professionnels de santé en général et à toutes les sages-femmes en particulier de pouvoir faire appliquer la loi. « (…) les problématiques d’accès à l’avortement ne sont pas résolues » dénonçaient les auteures de cette tribune. La loi du 2 mars 2022 visait à renforcer ce droit à l’avortement en France, en introduisant un allongement du délais pour faire pratiquer une interruption volontaire de grossesse de 12 à 14 semaines, mais aussi en ouvrant la possibilité pour les sages-femmes de réaliser des IVG instrumentales. En septembre dernier, la tribune soutenue par une grande partie de la profession rappelait le droit fondamental que constituait l’avortement et demandait « seulement » à ce que « les mesures votées par le Parlement doivent être enfin appliquées ».

Plutôt que de vouloir introduire ce droit dans la Constitution, les sages-femmes et les professionnels de santé concernés déplorent que les textes déjà votés ne soient tout simplement pas appliqués. Ainsi, le docteur Laura Marin, porte-parole de l’Ancic (Association nationale des centres d’IVG et de contraception) regrettait il y a quelques jours, que 8 mois après l’adoption de la loi de mars 2022  « il existe des endroits en France où les femmes ne sont toujours pas prises en charge au-delà de douze semaines de grossesse, et qu’on réoriente vers des centres qui appliquent la loi ». Cette réticence à faire appliquer la loi n’est pas un cas isolé, comme le souligne une étude du Revho (Réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie). En effet selon cette étude, seuls 21 centres (sur 63) pratiquaient des IVG entre 12 et 14 semaines en Auvergne Rhône Alpes, 19 sur 40 en Aquitaine. Quelles que soient les raisons invoquées (méconnaissance des évolutions législatives, pénurie de sages-femmes libérales et hospitalières, cas de conscience, ….), cette non-application des textes rend la demande de constitutionnalisation de l’IVG quelque peu inaudible et même confuse.  

Et vous, estimez-vous qu’inscrire l’IVG dans la constitution apparaisse comme la priorité absolue matière de droit des femmes à l’avortement ? Ou estimez-vous qu’il soit prioritaire de faire appliquer les lois déjà votées en la matière ? De manière générale, quel jugement portez-vous sur la politique française en matière de droit à la contraception et à l’avortement ?