Devenir sage-femme libérale, un, choix plus séduisant que travailler en maternité ?

60 % de la profession de sages-femmes exercent en tant que salarié (principalement de la fonction publique hospitalière). Pourtant, de plus en plus de professionnelles décident de se lancer dans l’aventure du libéral, quitte à aggraver la situation des maternités en France. Une évolution, qui devrait se renforcer dans les années à venir.

Les sages-femmes libérales, d’anciennes maïeuticiennes hospitalières ?

Voilà bien une question, qui divise profondément et durablement la profession. La décision de certaines sages-femmes hospitalières de se lancer dans l’aventure du libéral serait une tendance de plus en plus plébiscitée et participerait donc (indirectement) à la crise que connaissent les maternités et plus généralement l’hôpital public en France ? Bien qu’il soit difficile de définir l’état d’esprit d’une profession malmenée depuis tant d’années, force est de constater que ce phénomène – abandonner la fonction hospitalière pour devenir sage-femme libérale – ne peut être lié à la crise sanitaire du coronavirus, ni même aux dégradations des conditions de travail dénoncées depuis plusieurs mois. L’étude de la démographie de la profession atteste d’un mouvement bien plus ancien.

Ainsi en 2015, les études des services du ministère de la santé comptabilisait 21.604 sages-femmes, dont 14.743 étaient salariées, 3.728 des sages-femmes libérales et 1.735 en exercice mixte. 5 ans plus tard (2020) , si le nombre de maïeuticiennes avait progressé de 9.8 % pour atteindre 23.175, les sages-femmes libérales (+39.7 %) et en exercice mixte (+40 %) connaissaient un véritablement boom d’attractivité. Conséquence naturelle de ce regain d’activité, un déclin du nombre de sages-femmes hospitalières (- 5.3 %).[i]   

Pourquoi devenir sage-femme libérale tend à devenir la règle ? 

Les professionnels de la périnatalité sont unanimes : non seulement les jeunes diplômés se tournent de plus en plus souvent vers l’exercice libéral ou mixte, mais les professionnelles hospitalières sont de plus en plus nombreuses à envisager une telle évolution. Une tribune, publiée dans l’édition du 28/09/2022, dénonce cette situation en parlant même de « grande démission ». [ii] Cette « grande démission est enfin appelée à se poursuivre, puisque les projectives de la DREES estiment qu’en 2050, les sages-femmes libérales représenteront 46 % de la profession.

Alors quand il s’agit de trouver les explications justifiant de la multiplication des vocations pour devenir sage-femme libérale, les professionnels du secteur et les observateurs du milieu de la santé s’accordent tous qu’on ne peut comprendre cette évolution qu’à travers de multiples facteurs :

  • La recherche d’une plus grande liberté et autonomie, notamment pour mieux prendre en compte les aspirations de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle
  • L’ambition de pouvoir « s’occuper réellement » des parturientes et de disposer du temps nécessaire,
  • La volonté de pouvoir répondre à toutes les missions assignées à la sage-femme, de la grossesse au suivi de la vie sexuelle des femmes,
  • L’envie de sortir des « lourdeurs et des contraintes » de l’hôpital et en finir avec le stress « lié à l’activité d’accouchement et la densité de travail ».

Bien évidemment, l’aspect économique à travers le niveau de rémunération n’est pas à négliger dans la prise de décision de ces maïeuticiennes, même si toutes les études tendent à prouver qu’il ne s’agit pas, dans la quasi-totalité des cas, de la motivation profonde. Dans toutes les analyses, la pénibilité et le caractère qualifié d’indigne des conditions de travail de la sage-femme hospitalière sont avancés pour expliquer en grande partie cette ambition de vouloir s’installer en tant que sage-femme libérale. Ce choix des maïeuticiennes pour cette forme particulière d’exercice participerait ainsi à la crise profonde que traversent les maternités de France. Les auteurs de la tribune du Mondeii s’inquiètent ainsi d’une mutation profonde des aspirations des nouvelles générations de sages-femmes, en appelant à des efforts massifs et rapides pour revaloriser l’exercice hospitalier.

Et vous, considérez-vous que cette ambition de devenir sage-femme libérale va continuer à séduire de plus en plus de professionnelles ? Comprenez-vous que cette situation participe à la dégradation de la situation des maternités en France ? Quelles seraient selon vous les grandes voies à suivre pour remédier à cette situation problématique ?


[i] L’évolution de la profession de sage-femme (Juillet 2021). Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) : https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2021-020r.pdf

[ii] « Les jeunes sages-femmes fuient l’activité en structure hospitalière qui n’apporte que des contraintes sans valorisation ». Le Monde 28/09/2022 : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/28/les-jeunes-sages-femmes-fuient-l-activite-en-structure-hospitaliere-qui-n-apporte-que-des-contraintes-sans-valorisation_6143598_3232.html