Quelle vision de l’accouchement et de la périnatalité en France ?

En préconisant de fermer une centaine de « petites maternités », l’Académie nationale de médecine a suscité l’ire d’une partie des sages-femmes, qui s’opposent à une vision trop comptable de leur activité.

La gestion comptable de la périnatalité remise en cause par une partie des sages-femmes

Le titre même du rapport de l’Académie de médecine, « Planification d’une politique en matière de périnatalité en France : organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence » résume le constat qui est dressé. Expliquant et détaillant les dernières études réalisées en matière de périnatalité ces dernières années, le rapport propose d’en finir avec les accouchements dans une centaine de « petites maternités », qualifiées comme telles lorsqu’elles enregistrent en moyenne moins de 1.000 naissances par an. Pour les sages-femmes libérales et hospitalières, cette préconisation apparaît comme incompréhensible, alors que depuis près d’un siècle, tous les efforts ont conduit à « imposer » la maternité comme la référence en matière d’accouchement.

Il suffit de se souvenir des revendications récurrentes des sages-femmes libérales notamment depuis plusieurs années. On se souvient de la demande faite par de nombreuses maïeuticiennes d’accompagner (et donc de reconnaître) les effets bénéfiques de l’accouchement à domicile. Ce dernier connaît même auprès des patientes un regain d’intérêt, regain renforcé depuis la crise sanitaire du coronavirus. Une telle proposition (la fermeture des maternités, jugées trop petites en fonction de leur niveau d’activité) souligne, selon les professionnels de santé concernés, une approche trop comptable de la santé en général et de la périnatalité en particulier. Pourtant, les sages-femmes libérales et hospitalières n’ont de cesse de rappeler les résultats des dernières études menées sur ce sujet. La périnatalité se dégrade en France depuis des années, et pourtant les pouvoirs publics s’évertuent à poursuivre une politique, qui n’a pas démontré ses résultats bénéfiques. Ainsi, les maïeuticiennes rappellent que la fermeture des maternités, effectuant moins de 500 accouchements par an il y a quelques années, « n’a pas changé grand-chose à la situation ». Alors pourquoi poursuivre en ce sens ?

Une autre vision de la maternité est possible pour les sages-femmes !

Pour les sages-femmes, quel que soit leur mode d’exercice, c’est la vision d’avenir de cette périnatalité qui est en jeu. Secrétaire générale de l’Organisation nationale syndicale des sage-femmes (ONSSF), Mme Caroline Combot déplore que l’on « effraie » les futures mamans à venir dans ces petites maternités, les dirigeant plus volontiers vers des établissements plus conséquents. «  Les femmes fuient ces petites maternités car il y a une inconstance qui est mise en avant ». Pour les sages-femmes, cela traduit une vision de la grossesse qui diffère non seulement de la réalité mais aussi des attentes et des femmes. Madame Combot déplore ainsi :

« En France, on considère que toute femme vit une grossesse pathologique jusqu’à preuve du contraire. On va ouvrir le parapluie très largement et proposer une prise en charge peut-être trop médicalisée pour une partie des Françaises »

Si la préconisation du rapport de l’Académie de Médecine va dans ce sens, les sages-femmes s’inquiètent de cette tendance. Demain, les maternités à moins de 1.500 accouchements seront-elles fermées ? Et les sages-femmes libérales sont-elles condamnées à devoir suppléer ces décisions de fermeture ? Autant de questions, qui impacteront l’avenir même de la profession, alors même que le ministère de la santé et de la prévention a fait savoir que la périnatalité était un des sujets prioritaires pour les prochaines années. Bien que le rapport s’appuie sur des études chiffrées, soulignant le risque plus important pour les femmes d’accoucher dans de petites maternités, les sages-femmes continuent de défendre le maintien du choix des patientes, refusant qu’à l’avenir leurs parturiente soient contraintes de se diriger vers des maternités de classe 2 ou 3, de véritables « usines à bébé » selon certains observateurs.

 Et vous, comment jugez-vous ces « petites maternités » ? Estimez-vous qu’elles soient plus dangereuses que les autres ? Quelles seraient les pistes à étudier pour s’engager dans une voie plus efficiente ?