Sexisme ou corporatisme, pourquoi les sage-femmes ne sont pas reconnues ?

Le 07 octobre marque une nouvelle journée de mobilisation des sages-femmes tant en ville qu’à l’hôpital. Les revendications restent identiques que celles exprimées au cours des précédentes mobilisations, et nous ne reviendrons pas sur ces questions et sur « l’absence de réponses » des pouvoirs publics. En revanche, parce que la reconnaissance de la profession est au cœur des attentes des maïeuticiennes, une question centrale doit être posée : quelles sont les raisons profondes de ce manque d’estime et de reconnaissance ? Au-delà des débats centrés sur l’actualité de notre époque, deux explications peuvent notamment être avancées, sans pour autant permettre à quiconque d’apporter une réponse reconnue de toutes et tous.

Des Olympias antiques aux sage-femmes modernes, le poids de l’histoire

L’art de l’accouchement relevait de la responsabilité des Olympias dans la Grèce antique, un rôle, que Phénarète, la mère de Socrate, s’enorgueillît à transmettre.  Olympias pour les Grecs, Obstétrix pour les Romains, les sage-femmes jouissaient d’une aura et d’un pouvoir, que même les hommes ne remettaient pas en cause. S’appuyant sur cet héritage, les matrones ou les guérisseuses du Haut Moyen Âge (V-IXème siècle) durent attendre la redécouverte de la Science et de la médecine arabe pour devenir enfin des sage-femme (sage venant du latin sapere signifiant intelligence). Quelques siècles plus tard (à partir du XIVème) commença à se renforcer une méfiance chez les hommes vis-à-vis des femmes en général et des sage-femmes en particulier. L’opposition entre les matrones (principalement dans les campagnes) et les maitresses sage-femmes des grandes cités tourna à l’avantage de ces dernières, qui durent dès le XVIIème siècle et surtout au XVIIIème affronter la rivalité des médecins accoucheurs. Mais l’histoire contemporaine de la profession laisse observer, tout au long du XIXème siècle, un net recul du nombre de sages-femmes alors que celui des médecins, lui, n’en finissait pas de croître. C’est aussi la période, où la profession est de plus en plus organisée et encadrée, dans une société profondément transformée par les avancées de la connaissance scientifique.

Si la création des grands réseaux d’établissements hospitaliers mais aussi celle de la Sécurité Sociale a poussé les femmes à accoucher en maternité et non plus à domicile, entrainant la forte baisse des sages-femmes libérales, la dernière moitié du XXème siècle et les premières décennies de ce nouveau millénaire ont consacré la place des maïeuticiennes dans le système de santé en France.

Ce rapide survol de l’histoire de la profession met en évidence deux causes de ce manque de reconnaissance. Bien qu’elles ne soient pas exprimées aussi directement, elles participent à cette colère actuelle.

La place des femmes à l’origine même de la colère des sage-femmes

Bien que la profession se soit ouverte récemment aux hommes, la profession reste très largement féminisée. Et cette prépondérance de femmes peut expliquer aujourd’hui encore ce regard critique vis-à-vis de la profession. Cette féminisation (98 % de la profession) serait à l’origine, selon les témoignages de certaines sage-femmes, de l’insuffisance de revalorisation salariale à l’hôpital, mais aussi de la moindre « importance » conférée aux demandes des maïeuticiennes face aux attentes d’un corps médical plus « masculin ». A l’ère de la sacralisation du principe de liberté et de non-discrimination, ce constat est totalement contesté par les autorités publiques même si …

Le corporatisme médical néfaste à la juste reconnaissance des sages-femmes

Comme au XVIIIème siècle, même si les attaques sont moins directes et moins violentes, les sage-femmes se voient « concurrencer » non plus par des médecins accoucheurs, mais par des obstétriciens ou des médecins. Bien que reconnu comme une profession médicale à part entière, le métier de sage-femme demande que chaque avancée soit âprement débattue. Les sage-femmes de l’hôpital de Dôle illustraient cette réalité en expliquant aux journalistes du Progrès : « Il n’y a pas si longtemps qu’une échographie faite par une sage-femme est cotée comme celle d’un médecin ».

Bien évidemment, en octobre 2021, aucun professionnel de santé et encore moins un responsable politique n’avancerait de tels arguments basés sur la discrimination Homme/Femme ou médecin/sage-femme pour expliquer l’impasse, dans laquelle semble être la profession. Et pourtant, ils participent depuis des siècles à contrôler ou même à limiter la reconnaissance d’une profession, dont les compétences dépassent largement l’accouchement.

Et vous, estimez-vous que ces arguments semblant venir d’un autre temps puissent expliquer cette absence de réponses aux demandes portées par les sages-femmes ? Sentez-vous les choses évoluer dans le bon sens ou craignez-vous que cette réalité perdure encore longtemps ?