Les refus de soins, des cas complexes rendant la décision difficile !

On présente souvent les refus de soins exprimés par certaines sages-femmes comme des situations prévues par les textes, que ce soit par le Code de la Santé Publique ou le Code déontologique de la profession. Mais parfois, au quotidien, les situations se révèlent bien plus problématiques et de nombreuses questions peuvent alors se faire jour.

La sage-femme, une professionnelle de santé face aux refus de soins

Comme tous les professionnels de santé, les sages-femmes libérales et hospitalières se doivent de respecter les règles édictées par le code de la santé publique d’une part et par leur propre code déontologique d’autre part. Les refus de soins font partie de ces questions, qui agitent régulièrement la profession et suscitent des débats passionnés et parfois tendus. Pourtant comme le rappelle l’ordre des sages-femmes, le principe est assez clairement édicté :

« Le code de déontologie rappelle également qu’une sage-femme a le droit de refuser des soins pour des raisons professionnelles ou personnelles, hors le cas d’urgence et sous réserve de ne pas manquer à ses devoirs d’humanité, tout en assurant la continuité des soins (art R.4127-328 CSP). »

En d’autres termes, une sage-femme peut refuser des soins à une parturiente pour des raisons professionnelles ou personnelles, à condition que l’on ne soit pas dans une situation d’urgence, que la décision n’implique pas une dégradation de la santé de la mère et/ou de l’enfant. Il est également imposé à la maïeuticienne de s’assurer de la continuité des soins, notamment en communiquant toutes les informations au professionnel de santé remplaçant la sage-femme. En théorie, la règle peut apparaître simple à appliquer, d’autant plus que le code de la santé publique détaille certains des refus de soins les plus fréquemment rencontrés (clause de conscience pour ce qui concerne les IVG, les demandes des patientes dépassant les compétences légales de la sage-femme, …). En revanche, les sages-femmes libérales et/ou hospitalières peuvent aussi, dans la pratique quotidienne de leur art, être confrontées à des situations plus délicates.

Quand des refus de soins exprimés par les patients interrogent ou dérangent …

Certaines situations peuvent apparaitre plus complexes, notamment pour les sages-femmes hospitalières. L’une d’entre-elle a fait l’objet d’un article paru dans la revue Spirale en Mars 2018[i]. Une parturiente expliquait à la sage-femme de garde à l’hôpital avoir « de plus en plus de mal à ressentir un amour maternel », allant même jusqu’à dire qu’elle attendait la fin de sa grossesse comme une délivrance. Cette future maman demandait à la sage-femme d’inscrire dans son dossier qu’ « en cas de danger pour son bébé ou pour elle, elle préfère que son bébé meure. ». La parturiente exprimait ainsi son refus catégorique d’une césarienne.  Le cas pose la question non pas du refus de soins en lui-même mais bien du refus de suivre les consignes et directives d’une parturiente.

Identifiant la souffrance de sa parturiente, la sage-femme hospitalière a fait appel aux médecins et à la psychologue de la maternité pour une prise en charge par l’ensemble de l’équipe. Comme l’article le souligne, et sans s’attarder sur ce cas précis, cela pose la question des « refus de soins » exprimés par les patients eux-mêmes. Depuis la loi Kouchner, la position a cependant été clarifiée, en faisant du soignant, qu’il s’agisse d’une sage-femme libérale ou d’un médecin hospitalier, un professionnel de santé reconnu pour informer et guider la réflexion du patient. Ce dernier doit formuler, sous une forme ou sous une autre, un consentement libre et éclairé. Pour les sages-femmes comme pour tous les soignants, ce genre de propos (mettant en jeu la question de la santé de la mère et de l’enfant) peut être difficile à entendre, d’autant plus lorsque cela touche la grossesse et la naissance d’un enfant. Il ne s’agit pas, en l’espèce, d’apporter une réponse catégorique mais bien de souligner que les situations vécues réellement par les sages-femmes dépassent largement les seuls principes édictés par la loi.

Et vous, avez-vous déjà été confronté à une situation difficile de ce type ? Quelle a été alors votre réaction ?

 

[i] BRIEX Michel, « Refus de soins », Spirale, 2018/3 (N° 87), p. 136-140. DOI : 10.3917/spi.087.0136. URL : https://www.cairn.info/revue-spirale-2018-3-page-136.htm