Mortalité infantile en France : enfin une prise de conscience ?

De récentes études soulignant la hausse de la mortalité infantile en France depuis une dizaine d’années, une tendance que les professionnels de la santé dénoncent et contre laquelle ils appellent à une réaction urgente et massive.

Une prise de conscience tardive sur la dégradation de la prise en charge des nourrissons ?

C’est une tendance, que les autorités sanitaires et les professionnels de santé connaissent depuis plusieurs années, et pourtant la publication d’une vaste étude dans la revue The Lancet au début du mois de mars a mis le feu aux poudres. Depuis cette publication, les études et les analyses se multiplient pour tenter de comprendre l’augmentation significative de la mortalité infantile en France. Si la baisse de cette mortalité des enfants entre 0 et un an a continuellement baissé depuis le début du XXème siècle (avancées scientifiques et médicales, amélioration de la formation des sages-femmes et soignants, construction de maternités, …) et ce dans tous les pays d’Europe, la France a connu une stagnation de cette évolution dès 2005. Pire encore, les statistiques soulignent que depuis 2012, la mortalité infantile connait une augmentation. En chiffres, le constat est accablant à en croire les données Eurostat. En 2019, sur cette question de la mortalité infantile, la France occupait le 25ème rang en Europe avec 3.8 décès pour 1000 naissances vivantes. Pourtant, d’autres pays connaissent ne connaissent pas cette même tendance, et la France se situe bien loin de l’Italie (2.4 ) ou encore des pays Scandinaves (Suède, Finlande, Norvège, 2.1).

Les sages-femmes et les professionnels de santé en quête d’explications pour comprendre la situation

Pédiatre et épidémiologiste à l’hôpital parisien Necker-enfants malades, le Dr Martin Chalumeau s’alarme de la situation en dénonçant :

« Il y a actuellement en France un excès de 1 200 morts par an d’enfants entre 0 et 1 an, si l’on nous compare aux taux enregistrés en Finlande et en Suède »

Le pédiatre fait partie de l’équipe de chercheurs, ayant analysé les données de l’INSEE pour une étude exhaustive de la mortalité infantile entre 2001 et 2019. Au cours de cette période, 53.077 décès d’enfants entre 0 et 1 an ont été constatés. Si la période néonatale précoce concentre près de la moitié de ces décès (47.8 % et même 24.4 % pour le seul premier jour), la période néonatale tardive (20.8 %) et la période post néonatale (31.8 %) connaissent elle aussi une hause.

Des sages-femmes aux autorités sanitaires, tous les acteurs concernés cherchent à comprendre les raisons de cette dégradation, d’autant que celle-ci n’est pas une fatalité (les pays scandinaves notamment ne connaissent pas ce phénomène et réussissent même à enregistrer des améliorations en la matière).

Sans pouvoir dresser une liste exhaustive des explications envisageables, les chercheurs et les médecins auteurs de l’étude déplorent l’absence en France de tout registre de naissance, soulignant ainsi qu’il leur est impossible de connaître l’âge gestationnel, le poids du nourrisson et toutes les autres données de santé. Leurs travaux s’appuient essentiellement sur les seules données de l’Etat Civil, rendant difficile voire impossible toute tentative d’explication. Cependant, ils avancent deux grandes pistes de réflexion, étant entendu que d’autres études ont déjà été commandées sur le sujet suite à la publication de l’étude du Lancet :

  • L’état de santé de la mère constitue la première des hypothèses de cette étude. Le tabagisme plus répandu chez les femmes ces dernières années, un âge moyen à la naissance qui s’est élevé, l’augmentation de la proportion de femmes en surpoids ou obèses, … ont une incidence directe sur l’âge gestationnel à la naissance et sur le nombre de fœtus, « deux facteurs de risques identifiables dans les bases de données hospitalières » (Drees).
  • Le manque (ou la) baisse des moyens est également évoquée pour expliquer cette dégradation, sans que les auteurs ne puissent détailler ou justifier ces hypothèses : affaiblissement des moyens accordés aux services de protection maternelle et infantile (PMI), une absence d’ambition en matière de prévention, ….

Les chercheurs appellent les pouvoirs publics à organiser de vastes études épidémiologiques pour comprendre plus en détail les raisons de cette situation, et le Dr Chalumeau met en garde et prévient de l’urgence de la situation.

« En face de ce constat alarmant, il y a un silence assourdissant en matière de priorisation de l’effort de soin et de l’effort de recherche. Il y a un éléphant dans la pièce et personne ne veut le voir »

Et vous, comment jugez-vous cette situation française ? Quelles sont selon vous les décisions à prendre au plus vite pour inverser cette tendance mortifère ?